Christian Navis
2006-05-29 07:06:41 UTC
Etant quelque peu spécialiste du sujet ;-)
Je relance un fil de mars 2006, auquel je n'avais pas eu le temps
de répondre :
Un mythe recueilli par deux chroniqueurs espagnols du XVIème siècle,
rapporte les exploits du légendaire Topa Inca, conquérant de Chimu.
Celui-ci aurait organisé une expédition maritime de 500 radeaux qui,
après avoir navigué cap à l'Ouest, serait revenue 2 ans plus tard
avec des esclaves de couleur foncée et beaucoup de produits inconnus.
Une légende recueillie en Polynésie, sur l'île de Mangareva,
confirme l'histoire puisqu'elle parle d'un chef guerrier cruel
appelé Tupa, venu de l'est sur des embarcations jamais vues et
qui serait reparti après avoir mis l'île à sac.
Cette expédition ne fut pas unique. Plus tard selon d'autres légendes
incas, un grand prince Tupac Yupanki, futur sixième inca, serait
parti vers l'Ouest à son tour avec une centaine de bateaux afin de
vérifier si les terres décrites par les Chimus existaient bien.
Il en serait revenu plusieurs années après sur un autre bateau
avec des hommes étranges qui remirent ensuite le cap à l'Ouest
pour rentrer chez eux.
A cela s'ajoutent des ressemblances troublantes entre les cultes
solaires et lunaires des Amérindiens et ceux des Rapa Nui, dont
fait clairement état Behrens, l'historiographe de Roggeveen.
Behrens décrit aussi un grand temple avec d'imposantes terrasses
de pierres sur lesquelles reposaient des colonnes monumentales.
Les vestiges d'une salle hypostyle ? En tout cas, une construction
apparemment disproportionnée par rapport à la taille de l'île
et au nombre de ses habitants.
Depuis, ce monument infiniment plus imposant que tous les maraés
et ahus traditionnels a été transformé en carrière et laborieusement
anéanti...
Ainsi Thor Heyerdahl avait-il quelques bonnes raisons de faire
construire le Kon Tiki, un grand radeau en balsa, réplique des plus
antiques embarcations péruviennes, afin de vérifier ses intuitions.
Propulsé par des voiles carrées, avec un équipage de six hommes,
ce radeau partit de Callao, au Pérou, le 28 avril 1947.
Malgré diverses avaries, quelques grosses peurs et un réel inconfort,
le Kon Tiki atteignit l'île de Raroia dans l'archipel des Tuamotu
en Polynésie après 101 jours de mer.
Bien que le radeau se fut abîmé sur le récif, les hommes étaient tous
vivants.
En 1955, Heyerdahl entreprit une autre expédition en direction de
l'île de Pâques.
Les archéologues qui accompagnaient le savanturier découvrirent que
des ahus (plate-formes) supportant certaines gigantesques statues,
les Mohaïs, possédaient une partie souterraine.
A l'intérieur de l'une d'entre elles, les fouilles mirent à jour
une embarcation de papyrus avec un mât bipode et une voile ressemblant
aux nefs de l'ancienne Egypte, dont semblent inspirés les bateaux
du lac Titicaca.
Dans la cavité explorée, l'assemblage minutieux des moellons soudés
par les concrétions témoignait d'une extrême ancienneté de la
construction, selon une technique propre aux bâtisseurs de Cuzco.
Tandis que les glyphes très érodés relevés sur les parois affichaient
des caractéristiques scripturales tout à fait différentes des rongo rongos,
les écritures pascuanes.
Une autre civilisation était passée par là avant les Maoris!
L'expédition découvrit également dans des grottes jusqu'alors
inexplorées des statuettes de type inhabituel pour Rapa Nui,
dont le style rappelait des artéfacts trouvés dans des tombes
en Amérique du sud.
L'existence d'une civilisation pré-maorie, dont parlent les légendes
locales, trouvait là un commencement de preuve matérielle.
Tupac Yupanki n'était peut-être pas le premier visiteur venu de l'Est!
Après le succès du Kon Tiki, Heyerdahl n'en resta pas là.
En 1953, il mena une nouvelle expédition archéologique dans l'archipel
des Galapagos, à 600 milles à l'Ouest des côtes de l'Equateur.
Il y mit à jour sur différents sites, une quantité importante
de tessons de poteries incontestablement originaires de l'Amérique
du Sud précolombienne. Des vestiges formellement authentifiés par
les experts du Smithsonian Institute, le plus éminent laboratoire
archéologique du monde en matière de poteries amérindiennes.
Cela prouvait que cet archipel n'avait pas toujours été désert
comme lors de sa redécouverte par les Européens.
Mais un point faible minait la théorie de Heyerdahl:
Le Kon Tiki était peu manoeuvrant, ce qui avait provoqué de gros
dommages sur les récifs à l'arrivée.
Aussi, à son retour des Galapagos, Heyerdahl fit-il une expérience
intéressante. Ils construisit un petit radeau de balsa et y plaça
six dérives, ou guaras, entre les troncs.
Les conquistadors avaient remarqué, les premiers, ces dérives sur
des esquifs d'Indios et en avaient fait des relations assez précises.
Et des pêcheurs côtiers locaux en avaient encore l'usage au milieu
du XXème siècle.
Grâce à ces appendices, le petit radeau devenait assez évolutif
pour manoeuvrer dans n'importe quelle direction et était même capable
de remonter un peu au vent.
Le côté aventure du Kon Tiki fit des émules et quelques imitateurs
réussirent, dans la proportion de huit sur dix, des traversées du Pérou
jusqu'en Polynésie, poussant même parfois jusqu'à l'Australie à bord
de radeaux de balsa construits selon les techniques péruviennes, ou
de bateaux en roseaux assemblés à la manière des esquifs du lac Titicaca.
Néanmoins la principale objection à la thèse des colonisateurs venus
de l'Est s'appuyait sur le langage car les analogies sémantiques entre
les langues polynésiennes et amérindiennes sont assez faibles.
Mais pas inexistantes comme le prétendent les historiens conventionnels.
Ainsi la patate douce se décline presque partout sur le vocable de "kumara"
autant chez les Amérindiens que chez les Océaniens.
Par ailleurs une des appellations de l'île de Pâques était "Cuzco"
ou le « nombril du monde ». Autre coïncidence linguistique.
Et ce n'est pas tout. Les murs cyclopéens soutenant les parcelles
cultivées, qui auraient été construits par des étrangers à l'île,
se disent « winiapus » ce qui en langue inca signifie « lieu du maïs
germé ».
Or, on a retrouvé des grains de maïs fossile sur l'île de Pâques.
Et la crypto-botanique a apporté une autre contribution à l'étude
des voyages transocéaniques entrepris bien avant les Incas :
une étude pollinique effectuée dans les marécages holocènes
de la région de Gunung Sewu à Java en Indonésie a mis en lumière
l'existence d'un pollen fossile de maïs vieux d'environ cinq mille ans!
Or le maïs comme la patate douce est originaire d'Amérique du Sud.
Même s'il semble s'être mal adapté, ou avoir été peu apprécié en
des temps anciens, puisqu'on n'en retrouve plus trace jusqu'à sa
réintroduction en Indonésie par les Portugais à la fin du XVIème
siècle, il n'est pas arrivé là tout seul !
--
*Mystérieuses Civilisations du Pacifique*
Photos et extraits du livre sur mon site :
http://christian.navis.free.fr/Pacifique
Je relance un fil de mars 2006, auquel je n'avais pas eu le temps
de répondre :
Un mythe recueilli par deux chroniqueurs espagnols du XVIème siècle,
rapporte les exploits du légendaire Topa Inca, conquérant de Chimu.
Celui-ci aurait organisé une expédition maritime de 500 radeaux qui,
après avoir navigué cap à l'Ouest, serait revenue 2 ans plus tard
avec des esclaves de couleur foncée et beaucoup de produits inconnus.
Une légende recueillie en Polynésie, sur l'île de Mangareva,
confirme l'histoire puisqu'elle parle d'un chef guerrier cruel
appelé Tupa, venu de l'est sur des embarcations jamais vues et
qui serait reparti après avoir mis l'île à sac.
Cette expédition ne fut pas unique. Plus tard selon d'autres légendes
incas, un grand prince Tupac Yupanki, futur sixième inca, serait
parti vers l'Ouest à son tour avec une centaine de bateaux afin de
vérifier si les terres décrites par les Chimus existaient bien.
Il en serait revenu plusieurs années après sur un autre bateau
avec des hommes étranges qui remirent ensuite le cap à l'Ouest
pour rentrer chez eux.
A cela s'ajoutent des ressemblances troublantes entre les cultes
solaires et lunaires des Amérindiens et ceux des Rapa Nui, dont
fait clairement état Behrens, l'historiographe de Roggeveen.
Behrens décrit aussi un grand temple avec d'imposantes terrasses
de pierres sur lesquelles reposaient des colonnes monumentales.
Les vestiges d'une salle hypostyle ? En tout cas, une construction
apparemment disproportionnée par rapport à la taille de l'île
et au nombre de ses habitants.
Depuis, ce monument infiniment plus imposant que tous les maraés
et ahus traditionnels a été transformé en carrière et laborieusement
anéanti...
Ainsi Thor Heyerdahl avait-il quelques bonnes raisons de faire
construire le Kon Tiki, un grand radeau en balsa, réplique des plus
antiques embarcations péruviennes, afin de vérifier ses intuitions.
Propulsé par des voiles carrées, avec un équipage de six hommes,
ce radeau partit de Callao, au Pérou, le 28 avril 1947.
Malgré diverses avaries, quelques grosses peurs et un réel inconfort,
le Kon Tiki atteignit l'île de Raroia dans l'archipel des Tuamotu
en Polynésie après 101 jours de mer.
Bien que le radeau se fut abîmé sur le récif, les hommes étaient tous
vivants.
En 1955, Heyerdahl entreprit une autre expédition en direction de
l'île de Pâques.
Les archéologues qui accompagnaient le savanturier découvrirent que
des ahus (plate-formes) supportant certaines gigantesques statues,
les Mohaïs, possédaient une partie souterraine.
A l'intérieur de l'une d'entre elles, les fouilles mirent à jour
une embarcation de papyrus avec un mât bipode et une voile ressemblant
aux nefs de l'ancienne Egypte, dont semblent inspirés les bateaux
du lac Titicaca.
Dans la cavité explorée, l'assemblage minutieux des moellons soudés
par les concrétions témoignait d'une extrême ancienneté de la
construction, selon une technique propre aux bâtisseurs de Cuzco.
Tandis que les glyphes très érodés relevés sur les parois affichaient
des caractéristiques scripturales tout à fait différentes des rongo rongos,
les écritures pascuanes.
Une autre civilisation était passée par là avant les Maoris!
L'expédition découvrit également dans des grottes jusqu'alors
inexplorées des statuettes de type inhabituel pour Rapa Nui,
dont le style rappelait des artéfacts trouvés dans des tombes
en Amérique du sud.
L'existence d'une civilisation pré-maorie, dont parlent les légendes
locales, trouvait là un commencement de preuve matérielle.
Tupac Yupanki n'était peut-être pas le premier visiteur venu de l'Est!
Après le succès du Kon Tiki, Heyerdahl n'en resta pas là.
En 1953, il mena une nouvelle expédition archéologique dans l'archipel
des Galapagos, à 600 milles à l'Ouest des côtes de l'Equateur.
Il y mit à jour sur différents sites, une quantité importante
de tessons de poteries incontestablement originaires de l'Amérique
du Sud précolombienne. Des vestiges formellement authentifiés par
les experts du Smithsonian Institute, le plus éminent laboratoire
archéologique du monde en matière de poteries amérindiennes.
Cela prouvait que cet archipel n'avait pas toujours été désert
comme lors de sa redécouverte par les Européens.
Mais un point faible minait la théorie de Heyerdahl:
Le Kon Tiki était peu manoeuvrant, ce qui avait provoqué de gros
dommages sur les récifs à l'arrivée.
Aussi, à son retour des Galapagos, Heyerdahl fit-il une expérience
intéressante. Ils construisit un petit radeau de balsa et y plaça
six dérives, ou guaras, entre les troncs.
Les conquistadors avaient remarqué, les premiers, ces dérives sur
des esquifs d'Indios et en avaient fait des relations assez précises.
Et des pêcheurs côtiers locaux en avaient encore l'usage au milieu
du XXème siècle.
Grâce à ces appendices, le petit radeau devenait assez évolutif
pour manoeuvrer dans n'importe quelle direction et était même capable
de remonter un peu au vent.
Le côté aventure du Kon Tiki fit des émules et quelques imitateurs
réussirent, dans la proportion de huit sur dix, des traversées du Pérou
jusqu'en Polynésie, poussant même parfois jusqu'à l'Australie à bord
de radeaux de balsa construits selon les techniques péruviennes, ou
de bateaux en roseaux assemblés à la manière des esquifs du lac Titicaca.
Néanmoins la principale objection à la thèse des colonisateurs venus
de l'Est s'appuyait sur le langage car les analogies sémantiques entre
les langues polynésiennes et amérindiennes sont assez faibles.
Mais pas inexistantes comme le prétendent les historiens conventionnels.
Ainsi la patate douce se décline presque partout sur le vocable de "kumara"
autant chez les Amérindiens que chez les Océaniens.
Par ailleurs une des appellations de l'île de Pâques était "Cuzco"
ou le « nombril du monde ». Autre coïncidence linguistique.
Et ce n'est pas tout. Les murs cyclopéens soutenant les parcelles
cultivées, qui auraient été construits par des étrangers à l'île,
se disent « winiapus » ce qui en langue inca signifie « lieu du maïs
germé ».
Or, on a retrouvé des grains de maïs fossile sur l'île de Pâques.
Et la crypto-botanique a apporté une autre contribution à l'étude
des voyages transocéaniques entrepris bien avant les Incas :
une étude pollinique effectuée dans les marécages holocènes
de la région de Gunung Sewu à Java en Indonésie a mis en lumière
l'existence d'un pollen fossile de maïs vieux d'environ cinq mille ans!
Or le maïs comme la patate douce est originaire d'Amérique du Sud.
Même s'il semble s'être mal adapté, ou avoir été peu apprécié en
des temps anciens, puisqu'on n'en retrouve plus trace jusqu'à sa
réintroduction en Indonésie par les Portugais à la fin du XVIème
siècle, il n'est pas arrivé là tout seul !
--
*Mystérieuses Civilisations du Pacifique*
Photos et extraits du livre sur mon site :
http://christian.navis.free.fr/Pacifique